vendredi 9 mai 2014

Pourquoi commémorer l'arrivée de l'Iphigénie ce vendredi 9 mai?



Pourquoi commémorer l'arrivée de l'Iphigénie ce vendredi 9 mai?


 
Cette manifestation se déroule dans le cadre de la Nuit des Musées organisée chaque année par l'AMEP (Association des Musées et Établissements Patrimoniaux de Nouvelle-Calédonie). L'accès des musées est gratuit et des animations spéciales sont proposées au public.

Elle s'inscrit aussi dans le 12ème rendez-vous  de l'opération "Itinéraire du bagne" proposée par la Province sud. Chaque mois, le Service de la Culture choisit de mettre en lumière un bâtiment ou un site du bagne en Province sud.  Ces rendez-vous mensuels jalonnent la programmation de préfiguration du prochain Musée du bagne qui ouvrira ses portes au public en 2015.

Enfin, la date du 9 mai 2014 est une date à marquer car elle correspond au 150ème anniversaire de l'arrivée du premier convoi de Transportés à bord de la frégate Iphigénie, le 9 mai 1864.

Dans la seconde moitié du XIXème siècle, entre 1864 et 1897, ce sont 75 convois qui transporteront plus de 22 000 condamnés mais aussi  près de 4 000 reléguées sans oublier les
1 000 femmes transportées ou reléguées.
A cela il ne faut pas oublier plus de 4 000 déportés politiques.
L'arrivée massive de ces hommes et de ces femmes va bouleverser le quotidien de la colonie.

Dans les pays d'immigration où les travailleurs sont venus par la mer, il y a une "matrice du convoi" dans laquelle les choses se forment. Souvent la fête identitaire, la fête mémorielle d'un pays  est celle de l'arrivée du premier convoi.

Mais c’est aussi vrai aux Etats Unis avec le Thanksgiving Day qui rappelle  le repas partagé par les Indiens avec les pèlerins exténués à l'arrivée du Mayflower ou encore en Australie avec l’Australia Day, le 26 janvier qui marque l'arrivée de la First Fleet de "convicts".

Voilà pourquoi l'association TEMOIGNAGE D'UN PASSE souhaite marquer cette date du 9 mai. L'arrivée de l'Iphigénie n'est pas que simplement l'arrivée d'un bateau chargé de condamnés. Ce convoi marque surtout une notion importante sur le plan historique pour la Calédonie.

Dans son livre "l'Archipel des forçats", Louis José Barbançon cite:
"Dans ce pays d'immigration, l'importance dévolue aux premiers arrivés, pionniers volontaires ou malgré eux, reste une dominante de la conscience collective. On a les Mayflower qu'on peut".

C'est le cas ici en Nouvelle-Calédonie pour les Vietnamiens avec l'arrivée du Chéribon en 1891, pour les Japonais en 1892 avec le Hiroshima Maru ou pour les Indonésiens avec le Saint-Louis en 1896.

Nombreux sont les Calédoniens qui ont dans leurs familles un ou des ancêtres débarqués sur l'un de ces navires de convoi.
La contribution des forçats de Nouvelle-Calédonie à l’édification de nombreux ouvrages d’art et autres édifices, pénitentiaires, civils, militaires ou religieux a été primordiale. De plus le socle ancien de la société calédonienne d’origine européenne est en majorité issu de la colonisation pénale.

Les caractères de la société calédonienne seraient aujourd’hui profondément différents sans cette origine pénale.  Il en est de même en Australie qui s'est construite à partir du "convict system".

Comme le dit Louis José Barbançon, " ce qui est remarquable, c’est que de cette misère, de cette volonté de débarras, de cet éloignement, de ce “malheur” pour reprendre l’expression employé en Nouvelle-Calédonie, des sociétés sont nées. Des hommes et des femmes ont mis en place des stratégies de survie et ont créé..."

Durant leur temps de peine, ces hommes portaient un matricule. Une fois libérés, ils purent se réhabiliter par le travail, se marier, s'enraciner sur cette terre calédonienne, avoir des enfants...
La société calédonienne actuelle descend de  ces hommes et de ces femmes, qu'ils soient forçats ou surveillants militaires, qu'ils soient européens ou d'autres origines. N'oublions pas que le bagne a concerné les Kanaks (certains étaient condamnés, d'autres employés par l'Administration Pénitentiaire en tant que police indigène ou agent civil) et les Asiatiques (les derniers condamnés étaient tous des Asiatiques).

Le temps des condamnations en cour d'assises, des convois vers la "Nouvelle", le temps de peine à l'île Nou, tout cela s'inscrit dans l'Histoire de France.
Dès lors qu'ils ont été libérés et qu'ils se sont enracinés durablement sur cette terre, ces hommes et ces femmes intègrent à leur tour l'Histoire calédonienne...


                            Y.M.


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